Ingénierie pédagogique
Parmi les figures emblématiques qui ont façonné le domaine de la transmission, il y a Socrate. Philosophe de la Grèce antique, né vers 470 avant notre ère, il a laissé un héritage intemporel en valorisant l’importance du questionnement et de la réflexion critique. Sa démarche, connue sous le nom de méthode socratique, reposait sur le dialogue. Concrètement, Socrate s’appuyait sur la contradiction pour guider les membres de son auditoire dans un processus d’exploration intellectuelle. Lors de débats publics, il commençait par poser des questions larges, engageant son audience dans une réflexion spontanée. Les réponses obtenues, qui étaient souvent intuitives et directes, servaient alors de point de départ à la discussion. Par la suite, Socrate révélait d’éventuelles contradictions ou zones d’ombre dans les arguments avancés. Son objectif ? Inviter son audience à revoir ses certitudes, leur permettre d’enrichir leur compréhension d’un sujet donné et d’affiner leurs idées. Chez Seven et dans le milieu de la formation, nous voyons dans cette méthode une source d’inspiration pour le développement des individus. En revisitant les fondamentaux de cette approche, nous pensons qu’elle peut être bénéfique tant pour encourager la curiosité des individus, stimuler leur esprit critique que favoriser des apprentissages durables. Comment la méthode socratique s’adapte-t-elle aux enjeux modernes de la formation ? C’est la question à laquelle nous allons répondre.
Le dialogue occupe une place centrale dans nos vies, qu’il s’agisse de collaborer avec des collègues, de négocier avec des partenaires, ou encore de discuter avec des proches. Il se manifeste également dans des contextes numériques, notamment sur les réseaux sociaux. Cependant, pour rester fidèle à la méthode socratique, nous allons nous concentrer sur les interactions en face-à-face.
Socrate fut l’un des premiers à démontrer comment le dialogue pouvait devenir un puissant levier d’apprentissage et de réflexion. Sa méthode, toujours d’actualité, reposait sur trois grandes étapes :
1. Poser une question ouverte pour susciter des réponses spontanées
Socrate entamait toujours ses échanges avec une question large et ouverte, souvent liée à des concepts moraux ou éthiques. Par exemple, il pouvait commencer le dialogue en demandant à son audience : « Qu’est-ce que le courage ? » Les premières réponses qu’il recevait étaient souvent spontanées, provenant d’intuition ou d’idées communément admises, telles que : « Pour moi, le courage, c’est tenir ferme au combat et ne pas fuir. »
2. Mettre en lumière les limites des premières réponses
Socrate soulignait ensuite les insuffisances ou contradictions des premières réponses partagées par son audience, à l’aide de questions précises. Il invitait alors ses interlocuteurs à dépasser leurs certitudes initiales et à mobiliser leur esprit critique. Par exemple, face à une définition un peu trop simpliste du courage, il pouvait rétorquer : « Mais alors si quelqu’un se lance tête baissée dans une bataille qu’il sait perdue d’avance, est-ce du courage ou simplement de l’imprudence ? » Une interrogation qui incitait naturellement son audience à réfléchir plus en profondeur.
3. L’exhortation, la réfutation et la maïeutique
La dernière étape de la méthode socratique se déroulait en trois phases successives :
Exhortation : Confrontés aux limites de leurs réponses initiales, les participants pouvaient prendre conscience des aspects à clarifier dans leur raisonnement.
Réfutation : Conscients que leurs idées initiales étaient parfois incomplètes, ils pouvaient ensuite remettre en question leurs premiers arguments.
Maïeutique : Grâce à ce cheminement, ils parvenaient à une compréhension plus riche et plus nuancée d’un sujet. C’est en cela le principe de la maïeutique, ou de « l’art d’accoucher les esprits ».
Si nous reprenons l’exemple du courage, après avoir exploré les limites de la première définition, l’interlocuteur pouvait conclure par : « Le courage, c’est en fait la sagesse de discerner quand il est juste de tenir sa position et quand il est préférable de se retirer. »
Ainsi, la méthode socratique montre que le dialogue, lorsqu’il est bien mené, va au-delà d’un partage de pensées et permet surtout à ses participants de dépasser les idées reçues pour accéder à une pensée plus fine et plus éclairée.
Ce qui rend la méthode socratique unique, c’est également son recours volontaire à la contradiction. Peu importe les réponses initiales de son audience, Socrate trouvait toujours un moyen de révéler les limites des arguments avancés. Si son interlocuteur répondait bleu, il demandait : « Pourquoi pas rouge ? », et si la réponse était rouge, il questionnait : « Pourquoi pas bleu ? ».
Ce type de dialogue contradictoire trouve des échos dans la vie quotidienne, notamment lors de conversations parfois profondes avec des proches. Rappelez-vous ces moments où une simple question, posée pourtant avec bienveillance par un ami, un membre de la famille ou une personne de confiance, a éclairé votre réflexion. Peut-être vous étiez-vous surpris à penser : « Mais oui, il a raison. Je n’avais jamais envisagé la situation sous cet angle. » Le regard de l’autre peut aider à prendre du recul, à élargir ses perspectives et à envisager des solutions inédites. Bien sûr, contrairement à Socrate, vos proches ne cherchent généralement pas à entrer volontairement en contradiction à vous. Leur démarche n’est pas calculée, mais découle d’un regard différent du vôtre. C’est précisément cette divergence de point de vue qui constitue leur plus grande richesse : les autres vous invitent à sortir de vos certitudes pour voir au-delà de ce que vous pensiez savoir.
Chez Seven, nous croyons profondément au pouvoir du dialogue et de l’échange pour favoriser l’apprentissage et la progression des individus. C’est pourquoi, nous souhaitions mettre en lumière les points communs entre la méthode socratique et l’approche pédagogique que nous déployons au quotidien dans le cadre de formations entreprises. Nous y avons remarqué deux piliers communs : l’oralité et le partage de questions.
Socrate plaçait la parole au cœur de sa méthode. Il utilisait le dialogue public pour stimuler la participation de son audience.
Chez Seven aussi, l’expression orale occupe une place essentielle. En effet, dans nos formations, nous valorisons considérablement la participation des apprenants, et les invitons à partager leurs réflexions avec d’autres, que ce soit lors de discussions en binômes, d’échanges en petits comités ou de dialogues avec l’ensemble d’un groupe. Pour que la parole se libère, nous pensons qu’il est essentiel qu’un climat de confiance soit au préalable installé. C’est là tout le rôle de l’animateur de la formation : veiller à créer une atmosphère sereine, expliquer aux participants que toutes les opinions peuvent être partagées à condition qu’elles ne visent pas spécifiquement à dénigrer une personne.
Dans le cadre d’un échange entre plusieurs individus, il est conseillé que l’organisateur (ex : le formateur) rappelle à tous les fondamentaux d’une écoute respectueuse à savoir : attendre que l’autre termine son explication pour prendre la parole, accepter qu’un point de vue différent de soi puisse être exposé et poser des questions faisant avancer le dialogue. En plus de découvrir des directions parfois différentes de la leur, les échanges à plusieurs permettent aux individus de confronter leurs propres idées et d’entendre parfois des arguments qui renforcent ou alimentent leurs opinions.
On pourrait imaginer une formation visant à renforcer ses compétences managériales, avec un formateur qui poserait en préambule la question suivante : « Alors, selon vous, quelles sont les qualités essentielles d’un bon manager ? » Léo, un participant, pourrait prendre la parole en premier et répondre : « Un bon manager doit être humain et faire preuve d’empathie pour comprendre et accompagner ses équipes. » À ce moment, Emma, une autre participante pourrait intervenir et soutenir : « Je ne suis pas d’accord. Être trop empathique peut conduire à un manque d’objectivité. Un manager doit parfois se détacher de ses émotions pour prendre des décisions justes, dans l’intérêt du collectif. » Grâce à Emma, Léo pourrait revoir ses positions, enrichir son raisonnement et affiner son propre point de vue. Quant aux autres membres du groupe, en écoutant les avis d’Emma et Léo, ils pourraient nuancer les propos déjà énoncés ou bien proposer des exemples concrets venant en renfort des propos d’Emma ou de Léo.
La méthode socratique est également puissante parce qu'elle ne guide pas les interlocuteurs vers une réponse prédéfinie. Le rôle de Socrate ressemblait un peu à celui d’un guide. Il posait des questions à son audience pour nourrir leur réflexion et stimuler leur esprit critique. En ce sens, un apprentissage à impact aujourd’hui, est selon nous un apprentissage qui adopte une philosophie similaire, basée sur le partage de questions et non d’affirmations. En formation, nous percevons les formateurs compétents comme des facilitateurs, des passeurs de savoirs, des personnes capables d’offrir aux participants des outils pour approfondir leurs réflexions. S’ils viennent pour partager leur expertise, leur objectif reste surtout de transmettre une manière de penser, un cadre pour agir. Les participants restent ensuite libres de se forger leurs propres conclusions et d’identifier les actions qui leur semblent les plus justes. À charge également au formateur de s’assurer d’un temps de parole équilibré entre tous les participants afin qu’aucun ne se sente lésé.
Reprenons l’exemple de la formation visant à renforcer ses compétences managériales. L’intervenant pourrait poser au groupe, une question ouverte de type « Quelles actions, selon vous, peuvent permettre à un manager d’avoir un impact positif sur son équipe et sur les objectifs à atteindre ? » Après avoir recueilli le point de vue des participants, il ne chercherait non pas à soutenir une affirmation fixe et irréfutable « Un bon manager doit toujours être à l’écoute de ses collaborateurs ». À l’inverse, il veillerait plutôt à nuancer : « Une action qui peut, dans certains contextes, aider un manager à renforcer la cohésion d’équipe, c’est d’écouter activement les retours de ses collaborateurs. »
Si la méthode de Socrate reste une source d’inspiration intemporelle, transmettre et accompagner le développement des individus demande aujourd’hui de prendre en compte d’autres facteurs, qui étaient peu ou pas développés par le philosophe grec.
Socrate avait pour habitude de réaliser ses dialogues dans les espaces publics d’Athènes. Ces interlocuteurs étaient ainsi principalement issus de milieux privilégiés ou influents. Or, de nos jours et encore plus l’avènement d’internet, transmettre, c’est accepter que la connaissance soit accessible à tous.
Lorsqu’une diversité de personnes accède à la connaissance, chacun peut progresser personnellement, mais aussi contribuer activement au développement collectif. Pour les individus, l’accès à l’apprentissage permet d’acquérir des outils concrets pour mieux comprendre leur environnement, prendre des décisions éclairées et s’adapter à un monde en constante évolution. Et sur un plan sociétal, garantir l’accès au savoir à tous favorise l’émergence d’idées nouvelles, encourage la collaboration entre différents groupes et permet de répondre à des défis complexes.
Les utilisateurs des “Moving Motivators” sont amenés à classer leurs motivations par ordre d'importance selon eux. Seule la personne concernée peut réellement dire ce qui la booste, même si cela ne lui vient pas de façon innée. Ce classement aide les actifs à mieux comprendre les raisons derrière leurs actions et pensées mais aussi à les partager avec leurs collègues, favorisant une meilleure compréhension mutuelle au sein de l'équipe. En analysant comment chacune des 10 motivations est stimulée dans des contextes spécifiques, les individus peuvent identifier les situations où certaines motivations sont particulièrement sollicitées et les moments où elles le sont moins. Ensuite, elles peuvent et sont fortement encouragées à partager de façon précise leur ressenti à leur équipe.
Dans les faits, l'application des “Moving Motivators” se déroule en deux temps. Tout d'abord, l'utilisateur classe sur une ligne horizontale ses 10 motivations en fonction de l'impact que chacune a sur lui. Les motivations qui sont placées à gauche ont un impact fort sur la personne. Lors de la deuxième phase, l'utilisateur pense à une situation précise et évalue comment chaque motivation est stimulée. Si une motivation est fortement sollicitée, la carte est levée verticalement ; si elle l'est peu, la carte est baissée. Cette analyse permet de visualiser les décalages potentiels entre ses motivations et ses actions réalisées, et donc de déclencher une prise de conscience chez ses collègues. Des déséquilibres peuvent alors amener à des propositions d'ajustements de la part de la personne concernée ou de ses collaborateurs.
Chaque motivation intrinsèque est unique. Il n'existe pas de "bonne", ni de "mauvaise" motivation. Voici une présentation des 10 motivations répertoriées par Jurgen Appelo, que nous avons choisis de répartir en deux catégories : celles qui dépendent des autres et celles qui dépendent de soi.
Une formation sur la gestion du temps est un excellent exemple de savoir, qui mérite d’être accessible à tous, car elle bénéficie autant à l’individu qu’au collectif. Pour l’individu, apprendre à mieux s’organiser, être capable de hiérarchiser ses priorités et de planifier ses tâches sont des compétences qui lui permettent de gagner en sérénité et en efficacité. Ces conseils pratiques ont l’avantage de s’adresser à tout le monde, quel que soit son âge, son métier ou son secteur d’activité : du jeune diplômé qui débute dans sa carrière, au parent jonglant entre vie professionnelle et personnelle, ou encore au cadre expérimenté cherchant à optimiser son emploi du temps chargé. Sur un plan collectif, cette amélioration personnelle a également un impact concret, puisqu’un collaborateur qui gère bien son temps pourra transmettre des informations précises à ses équipes et clients, rassurer ses interlocuteurs sur l’avancée d’un projet et favoriser un environnement de travail fluide et collaboratif.
Dans ses dialogues, Socrate privilégiait les questions ouvertes. Bien qu’efficaces pour pousser les interlocuteurs à réfléchir, elles pouvaient parfois laisser ces derniers perplexes ou les mener vers des réponses floues. Dans un cadre d’apprentissage structuré (comme en formation), il est important de guider les discussions pour éviter que les participants ne se sentent perdus. Comment ?
En proposant notamment des questions intermédiaires, plus spécifiques que les questions ouvertes. Au lieu de demander directement « Qu’est-ce que le leadership ? », on pourrait poser des questions comme « Quelles qualités voyez-vous chez un leader efficace dans votre contexte ? ». Cette dernière question permettrait de guider les participants dans leurs réflexions.
En fournissant un point de départ avec un cas pratique. Restons sur le sujet du leadership : un formateur pourrait soumettre aux participants le cas suivant : « Vous êtes le manager d’une équipe confrontée à une baisse de motivation due à un projet complexe et à des délais serrés. Comment pourriez-vous réagir pour remotiver votre équipe et maintenir les objectifs ? » Les participants seraient alors invités à réfléchir individuellement ou par groupes, puis à partager leurs idées. Certains pourraient suggérer d’organiser une réunion pour redéfinir les priorités, d’autres pourraient envisager de déléguer certaines tâches pour alléger la charge de travail, et d’autres encore de célébrer les progrès réalisés pour redonner un élan positif.
Les dialogues socratiques pouvaient entraîner un mélange d’idées dès le début. De plus, les personnes composants l’audience pouvaient hésiter à exprimer des opinions contraires, par crainte du jugement ou pour éviter de contredire un point de vue déjà exprimé, ce qui pouvait conduire à une forme d’auto-censure. D’autres enfin, influencés par la première idée partagée, pouvaient ajuster leur propre réflexion pour s’y conformer.
Pour ainsi encourager une expression plus sincère et personnelle, il peut être intéressant d’instaurer un temps de réflexion individuelle avant des échanges collectifs. Une étape qui permet à chacun de structurer ses idées en toute indépendance, limitant les biais d’auto-censure et d’influence. Lorsque le moment du partage d’idées en groupe arrive, les discussions se font plus riches et plus authentiques, car chaque participant a eu le temps de développer une réponse qui lui est propre.
Adapter la méthode socratique aux enjeux modernes de la formation, c’est créer un cadre d’échange où chacun développe son esprit critique et approfondit ses réflexions. Appliqués au cadre de la formation, les dialogues socratiques peuvent être bénéfiques. Concrètement, le formateur-facilitateur instaure un climat de confiance au sein d’un groupe de personnes pour que chaque membre se sente respecté et écouté, sans crainte de jugement.
Pour éviter l’auto-censure et les influences mutuelles, il peut suggérer de démarrer avec un temps de réflexion individuelle. Puis, lancer des échanges collectifs structurés, sur la base de questions ciblées et concrètes, ou bien par des situations fictives qui plongent les participants dans le réel. Durant les discussions collectives, il en est de la responsabilité du formateur de veiller à une juste répartition du temps de parole et à ce que les idées partagées soient perçues comme des contributions à la réflexion, et non comme des vérités absolues. L’objectif : permettre à chacun d’élargir son point de vue, grâce à la contradiction, tout en leur permettant de conserver leur libre-arbitre.
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