Nudge Marketing : le pouvoir d’orienter notre action avec notre adhésion

Communication

Réflexion

16 Septembre 2022

Crédit photo : Nick Fewings

“Vous croisez un panneau indiquant avec humour qu’une piste de danse se trouve à votre gauche. Vous êtes alors interpellé par l’originalité de cette signalétique et vous choisissez de suivre la direction indiquée. L’objectif de ce panneau (à savoir que vous tourniez à gauche) a fonctionné. Sans vous en rendre compte, vous avez expérimenté une démarche de “Nudge Marketing”.

Pour faire adhérer un public à un message, il y a deux possibilités : le convaincre ou le persuader. Le premier utilise des arguments logiques (des faits, des preuves, des dates, des chiffres, des études, des références, etc.) tandis que le second s’appuie sur ce que ressentent les individus (le rire, la surprise, la peur, la joie, la tristesse, etc.). C’est sur les émotions, donc sur la persuasion que se base le “Nudge Marketing” : une nouvelle discipline émergente, aussi appelée “Marketing Incitatif”. Celle-ci s’intéresse aux comportements du consommateur, et aux mécanismes qui le poussent à agir.

En plus de persuader, les démarches “Nudge” comportent une subtilité : celle d’encourager le consommateur à réaliser le choix le plus vertueux. Un exemple de “Nudge” que nous avons tous déjà rencontré dans notre quotidien est celui des poubelles revisitées. Par les symboles choisis, les couleurs utilisées et les messages inscrits, il est difficile de ne pas jeter ses déchets en dehors des poubelles prévues. Nous sommes en fait incités à jeter nos détritus au bon emplacement et à réaliser, in fine une action responsable. Parce que les démarches “Nudge” ont le pouvoir d’orienter notre action et ce avec notre adhésion, nous proposons de nous pencher sur ce sujet encore peu connu, mais qui pourtant, est largement présent autour de nous.

Pourquoi initier une démarche Nudge ?

Lever le doute et faciliter la prise de décision

Initier une démarche “Nudge”, c’est faciliter la prise de décision des consommateurs, éliminer leurs éventuelles interrogations, leur donner un “coup de pouce” (c’est d’ailleurs la traduction de “nudge”) pour que la réalisation d’une action tombe sous le sens et devienne évidente.

Proposer une méthode douce sans contrainte

Si Richard Thaler et Cass Sunstein étaient les premiers à utiliser le terme “Nudge marketing” en 2008 au sein de leur ouvrage “Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision”, cette approche était lancée bien plus tôt dans les années 70 par l'économiste et psychologue Daniel Kahneman. Aujourd’hui encore cette démarche est toujours analysée et utilisée.

Elle a l’avantage de ne pas être contraignante pour les utilisateurs. En effet, ils ne perdent rien en choisissant d’adopter le comportement voulu. Le champ des possibles reste toujours ouvert. Ils sont libres de saisir ou non, les options qui leur sont préconisées. D’un autre côté, ils n’obtiennent rien en suivant l’action voulue par la démarche “Nudge” puisqu’il n’y a pas de récompense à la clé. La seule existante reste la satisfaction d’avoir mené une bonne action pour soi et les autres.

Faire du consommateur un contributeur d’un changement positif

Les marques promettant la réalisation d’une action éco-responsable sont nombreuses. Prenez les sacs à sapin, vendus après les fêtes de Noël, ils rendent l’emballage de votre sapin plus aisé et le transport de ces végétaux plus pratique. De plus, ils sont compostables avec les déchets verts et une partie des sommes est reversée à Handicap International. En acheter revient en fin de compte à faire une action citoyenne et écologique.

Un autre exemple de marketing incitatif : les cendriers ludiques, présents dans des emplacements de passage. Au lieu de blâmer ceux qui jettent leur cigarette au sol, ces cendriers attirent le regard des fumeurs en détournant leur usage traditionnel. Ainsi, vous retrouverez des cendriers invitant à jeter son mégot dans un trou plutôt qu’un autre selon que vous préférez les Beatles ou les Rolling Stones, que vous prononcez chocolatine ou pain au chocolat, que vous êtes un fumeur du matin ou du soir. L’action de jeter son mégot au bon endroit ressemble finalement à un dépôt de bulletin de vote dans l’urne.

Ancrer l’expérience dans la mémoire du consommateur

Utiliser la méthode “Nudge”, c’est présenter un produit ou service de façon originale et faire ainsi vivre aux consommateurs, un instant inoubliable. L’expérience vécue étant si rare que l’envie de partager ce que l’on a vécu (que ce soit sur les réseaux sociaux ou auprès de ses proches) est forte. C’est de cette façon que se développe le phénomène de viralité.

Si nous reprenons les cendriers ludiques, un fumeur qui en découvrirait un à la sortie d’une mairie, pourra avoir un léger sourire en le voyant et vouloir le montrer à l’un de ses amis qui le rejoindrait.

Autre exemple marquant : celui des fausses mouches collées dans les urinoirs dont le but est d’inciter les hommes à viser la mouche. Par ces faux insectes de petite taille, c’est une plus grande propreté dans les toilettes publiques pour hommes qui est observée. Peu confrontés à cette customisation, des hommes pourraient plus facilement parler de ce qu’ils viennent de voir et se souvenir de ce moment quelques mois voire années plus tard.

Les facteurs d’influence sur nos choix

Les émotions

Les décisions des individus sont le plus souvent prises parce qu’elles touchent leur affect. En 1994, Antonio Damasio, professeur de neurologie et neurosciences soutient l’idée que les émotions sont nécessaires à la prise de décision. D’après lui, il existe des marqueurs somatiques, associant une réaction corporelle positive ou négative à chaque situation rencontrée. C’est parce qu’un stimulus négatif et qu’une sensation désagréable se déclenchent en nous quand une guêpe nous approche d’un peu trop près, que nous adoptons les mesures nécessaires pour l’empêcher de nous piquer : s’éloigner d’elle, la chasser, la piéger, la tuer, etc.

Pour favoriser une action particulière de notre part, les démarches “Nudge” vont tenter de réveiller en nous certains stimuli. Une ville dont la mission est d’œuvrer pour la sécurité routière veillera à encourager les piétons à traverser sur les passages piétons et d’inciter les conducteurs à ralentir. Pour ce faire, plusieurs options : jouer sur la peur (traverser au mauvais endroit peut coûter la vie), s’appuyer sur le souvenir (refaire la photo des Beatles traversant un passage piéton à Londres), etc. En Islande, un passage piéton a été peint de sorte qu’il donne l’impression d’être en trois dimensions. Attirant davantage l’œil des automobilistes, une action positive se déclenche à son approche (ou du moins, c’est l’objectif recherché) : la réduction de la vitesse des conducteurs.

Les sens

Les techniques de “Nudge Marketing” jouent beaucoup sur les sens. Présents dans certains centres commerciaux et gares, les escaliers piano sont un bon exemple de “Nudge Marketing” utilisant les sens. Leur particularité : ils sollicitent tant la vue que l’ouïe. Les marches, peintes en noir et blanc, prennent l’apparence de notes de piano. Dès lors que l’on se trouve sur l’une d’elle, c’est un son spécifique que l’on entend. Certains visiteurs, pris au jeu, finissent par passer plusieurs minutes à monter et descendre les escaliers afin de créer une mélodie harmonieuse. Leurs montées et descentes se transforment en expériences insolites. Le choix de se placer sur une marche plutôt qu’une autre et leur rythme de déplacement deviennent vite des activités amusantes. Sans en avoir conscience, les visiteurs pratiquent une activité physique. C’est là toute la force du “Nudge Marketing” : encourager les individus à privilégier les escaliers plutôt que les escalators afin d’augmenter leur pratique d’un exercice physique.

Les biais cognitifs

Les biais cognitifs se créent à partir de nos habitudes de vie, de l’environnement dans lequel nous avons grandi, de nos croyances, des raccourcis que nous faisons malgré nous. Il en existe plusieurs pour n’en citer que quelques-uns communs, vous trouverez :

  • Les biais de représentativité, qui nous font porter un jugement à partir des quelques éléments présentés devant nous (ex : par sa grande taille, un vendeur inspirerait et rassurerait davantage qu’un vendeur qui serait de plus petite taille).
  • Les biais de conformisme qui nous font penser et agir comme les autres (ex : une famille qui souhaiterait dîner, privilégiera le restaurant avec quelques clients plutôt que celui qui n’en présente aucun).
  • L’illusion positive qui amène les individus à se considérer meilleure qu’ils ne le sont (ex : un visiteur d’une fête foraine qui devant un stand de tir, pense être capable de réussir tous les tirs au temps estimé).
  • Les biais de statu quo qui expliquent une faible affection pour les changements comportant plus de risques que d’avantages et ainsi une préférence pour garder l’existant (ex : un salarié ayant plus de 30 ans d’ancienneté dans son entreprise, qui préfère rester dans son entreprise actuelle plutôt que de changer d’emploi).

La rareté

Les techniques de “Nudge Marketing” adoptent des méthodes de communication rares, ce qui a pour effet de davantage attirer notre attention. Ne les retrouvant pas à chaque coin de rue, l’envie de tester ces expériences “Nudge” se fait plus forte. Nous devenons finalement victimes du syndrome FOMO (Fear of Missing Out), soit la peur de passer à côté de quelque chose. Imaginons que vous ayez emménagé en campagne et découvrez pour la première fois les boîtes de “dons de livres”. Intrigué, vous tournez votre regard vers ces boîtes, voire même consultez les ouvrages mis à disposition et réfléchissez éventuellement pour déposer à votre tour d’anciens livres.

La preuve sociale

À l’inverse des produits, services et expériences rares qui attirent, ceux ayant été testés par un grand nombre séduisent ou plutôt rassurent : c’est le principe de la preuve sociale. Cialdini, psychologue social et auteur de “Influence et Manipulation” l’explique en 1984. Dans son ouvrage, ce sont 6 leviers d’influence qu’il cite dont la rareté que nous venons d’aborder et la preuve sociale, sujet de ce paragraphe.

Concrètement, l’influence par la preuve sociale signifie qu’une action faite et validée par un grand nombre de personnes va encourager de nouvelles personnes à faire de même. La validation par le grand nombre est un gage de qualité et devient un facteur rassurant.

En plus de la rareté et de la preuve sociale, les autres leviers d’influence de Cialdini, comme la réciprocité, la sympathie ou la cohérence dans l’engagement fonctionnent aussi en “Nudge Marketing”.

L’amusement

Transformer des actions initialement banales en jeu devient de plus en plus courant. Les poubelles sont devenues des sources d’inspiration pour les créateurs des techniques de “Nudge Marketing”. Lassés des déchets laissés sur la voie publique, ils transforment le jet des détritus en partie de plaisir et de jeu. Ainsi, on peut retrouver à Lille une marelle à côté d’une poubelle, au Havre une poubelle transformée en panier de basket, attirant ainsi aussi bien les petits que les grands.

Les démarches “Nudge Marketing” ont la capacité d’influencer nos actions, le tout avec notre consentement. Quel pouvoir ! Ces techniques sont particulièrement utiles, car elles servent tant le bien commun que notre propre bien-être. En effet, elles peuvent nous encourager à jeter nos détritus ou mégots de cigarettes aux emplacements prévus (ce qui est autant positif pour nous qui réalisons une bonne action que pour la société qui voit croître la propreté sur les trottoirs), nous faire prendre des escaliers plutôt que des escalators, nous amener à ralentir en voiture à l’approche de passages piétons, nous donner l’envie d’offrir nos anciens livres…

Pour capter notre attention et nous influencer en douceur, les démarches “Nudge” demandent une véritable analyse du comportement des consommateurs et de leurs émotions, une fine réflexion sur les sens à éveiller chez les individus et une étude approfondie des biais cognitifs.

Grâce à leurs concepts originaux et gamifiants, les expériences “Nudge” proposées sont uniques et deviennent vite des attractions en elles-mêmes. Ne pas tester une démarche “Nudge” revient à passer à côté de quelque chose. Quel dommage, ce serait de manquer une telle expérience, d’autant plus lorsqu’un grand nombre d’individus l’a testée et adoptée !

Nous encourageons chacun à réfléchir à l’adoption d’une telle démarche. Retenez que l’originalité n’a pas de limites à condition de finement observer ses consommateurs, de les amener à réaliser une action non-contraignante qui soit bénéfique pour eux et pour la société. Maintenant, à vous de tester le “Nudge Marketing” !

Partagez cet article autour de vous

Nous contacter

Nos autres articles

Leadership • 20 Juin 2023

Le Management Situationnel

Suivant les situations rencontrées, il pourrait être plus approprié d’adopter un style de management à un collaborateur : voici ce qu’affirme le concept du Management Situationnel, défini par Paul Hersey et Kenneth Blanchard.

Réflexion

Gestion de projets • 02 Février 2021

Méthode Kaizen : une aide pour appréhender le changement en entreprise avec la covid-19

Découvrez avec la méthode Kaizen, comment les améliorations continues peuvent vous aider à appréhender le changement au travail et ainsi vous permettre d’atteindre vos objectifs finaux.

Réflexion

Ingénierie pédagogique • 08 Septembre 2021

ALTEN se forme aux meilleurs outils de transmission de contenus pour mobiliser tous ses collaborateurs

Savoir transmettre un contenu à ses collègues, capter leur attention, vulgariser une notion complexe : telles sont les compétences enseignées par Seven lors d’une formation de formateurs, à destination du groupe ALTEN.

Cas Pratique