Management
“Comment vous voyez-vous dans cinq ans ?" Une question classique des entretiens de recrutement qui révélait autrefois un désir presque universel : celui de devenir manager. Il fut un temps où presque tous les candidats aspiraient à ce statut, le considérant comme le summum de la réussite professionnelle. Il est vrai qu’en devenant manager, c’était et c’est toujours un pouvoir de décision plus fort que nous obtenons, une vision plus large sur l’entreprise et les projets menés par ses équipes que nous développons et bien d’autres nouvelles responsabilités pour lesquelles nous nous engageons. Cependant, avec l'évolution des conceptions de travail, la valorisation du bien-être au travail, de la quête de sens, et de l'équilibre vie professionnelle/vie personnelle, l'attrait pour le management n'est plus aussi exclusif. L'épanouissement professionnel semble s'affranchir du simple statut de manager. Quelle est la perception actuelle du statut du manager ? Que signifie vraiment devenir manager ? La réussite professionnelle, est-elle toujours synonyme de gestion d'équipe ? C’est ce que nous étudierons à travers cet article.
Le rôle de manager est souvent perçu comme un tremplin pour accéder à des missions plus stratégiques et à des postes de direction. En prenant ce rôle, un individu augmente significativement ses chances de se voir confier des responsabilités élargies. Le titre de manager, souvent associé à une progression dans la hiérarchie, apporte à celui qui le devient, un sentiment de fierté et une autorité accrue. Cependant, il est préférable de distinguer ceux qui portent le titre de manager sans gérer une équipe, comme par exemple certains “Community Managers” qui sont responsables de contenus mais pas nécessairement en charge d’individus, de ceux qui pilotent réellement des collaborateurs.
La gestion d'une équipe implique pour un manager de mobiliser un ensemble de compétences, principalement relationnelles et organisationnelles telles qu’une capacité à inspirer et à motiver un individu et un ensemble d’individus, une capacité à gérer les imprévus et conflits, une capacité à transmettre les bonnes informations de l’entreprise, une capacité à prioriser ses tâches et à optimiser son temps pour en consacrer à ses équipes et enfin une capacité à adopter une communication claire avec les collaborateurs qu’il encadre, mais aussi auprès de ses managers et clients. Or, être désigné manager ne garantit pas nécessairement la possession de ces compétences, mais indique plutôt un engagement à les développer activement pour mener à bien ses missions. C’est aux personnes qui aspirent au statut de manager d’apprendre à s’auto-analyser et à s’interroger sur leurs qualités fondamentales, les excès de leurs qualités et les compétences qu’elle devraient développer. Pour faire le point sur leur(s) potentiel(s), l’utilisation du quadrant d’Ofman peut en ce sens les aider dans cette introspection.
Une récente étude menée par l'Apec en novembre 2023 révèle une baisse de l'attrait pour les postes de management. En effet, nous avons constaté que seulement 39% des cadres non-managers exprimaient le désir de devenir managers en 2023, contre 42% l'année précédente.
Pourquoi des réticences à embrasser cette carrière ? En tête de liste, 39% des sondés ont indiqué redouter le statut de manager en raison de la gestion des individus, tandis que 36% préfèrent refuser car ils se sentent actuellement épanouis dans leur poste actuel (et c’est tant mieux) même si aucune responsabilité managériale ne leur est confiée. À cela, 32% des sondés ont estimé ne pas posséder la personnalité requise pour ce rôle, c’est le fameux syndrome de l’imposteur ! La charge de travail supplémentaire constitue également un frein pour 24% des répondants. En parmi les autres facteurs dissuasifs, on retrouve les attentes élevées de l'entreprise envers leurs managers, la reconnaissance jugée insuffisante et le sentiment de manquer d'expérience.
Cette perception des non-managers révèle une certaine appréhension : être manager exige une forte résilience au travail, un constat qui pèse dans la balance pour beaucoup de non-managers.
Être manager, c’est représenter une équipe et se montrer exemplaire aux yeux de ses collaborateurs. Résultat : souvent, les futurs, récents ou plus expérimentés managers ressentent une pression importante, car ils ont l'impression de ne pas avoir droit à l'erreur, contrairement à leurs collaborateurs qui peuvent bénéficier d'une certaine indulgence. Pourtant, il est naturel pour les managers, comme pour tout humain, de commettre des erreurs et de tâtonner. Pensant ne pas être à la hauteur, ni être capable d’incarner un modèle de bon manager, certains cadres hésiteraient à s’orienter vers des postes de management. Pour dépasser ce syndrome de l’imposteur, ils peuvent s’interroger sur leur(s) motivation(s) réelles pour ce poste, sur leur envie de développer les compétences managériales requises, leur souci de bien faire et leur capacité à reconnaître leurs compétences et limites.
Le management est complexe notamment parce qu’il peut inclure un déséquilibre entre les efforts requis pour assurer les missions et les récompenses obtenues. En conséquence, des managers ou futurs managers pourraient se demander "Pour quelles raisons travailler plus pour un salaire à peine supérieur ? “ ou encore “Pour quelles raisons s'investir davantage sans encouragement, ni reconnaissance ?" Garantir une reconnaissance à la hauteur des efforts fournis est impossible, d’autant plus que la reconnaissance souhaitée sera propre à chacun et les efforts réalisés seront différent d’une personne à une autre.
Le rôle de manager nécessite en réalité de posséder un grand esprit de générosité. Si une personne accepte de donner sans attendre de retour immédiat, elle n’aura pas de sentiment de frustration. À chacun de définir ses propres indicateurs de succès pour être capable de se motiver par soi-même. Si son équipe réussit, c’est une excellente nouvelle, c’est le reflet direct de sa contribution et il faut en être fier !
Le passage au statut de manager exige pour l’individu concerné de mener des changements dans son approche professionnelle. Désormais, il porte une nouvelle responsabilité, celle que son équipe réalise ses missions et que leurs actions contribuent à l’atteinte des objectifs fixés.
Devenir manager ne se limite plus à un changement de titre, ni même à une nouvelle perception de son entourage; mais implique une transformation plus profonde sur sa manière de travailler, cela nous invite également à revoir notre routine quotidienne, à repenser notre organisation, à faire face à des défis plus délicats, à faire preuve de plus de transparence et de communication. Accepter de changer et se tenir prêt à changer sa posture seront nécessaires pour toute personne qui aspirerait à un poste de manager.
Une autre responsabilité clé qui lui est conférée concerne le temps qu’il devra à présent allouer à ses équipes pour les épauler et contribuer à leur évolution. Cela nécessitera de sa part de prévoir dans son agenda des créneaux spécialement dédiés à l’accompagnement de ses équipes. Ce seront des temps au cours desquels il pourra se concentrer sur le suivi de leurs actions, réfléchir à des conseils précis et concrets à partager, échanger avec eux pour les écouter sincèrement et chercher avec eux des solutions adaptées à ce qu’ils rencontrent. Un bon manager saura trouver l’équilibre entre un réel soutien à ses équipes et une autonomie laissée à celles-ci.
Par ailleurs, un manager efficace et épanoui, saura faire preuve d’enthousiasme et d’audace lorsqu’il s’agira de relever de nouvelles épreuves qui le confronteront à l’inconnu et l’amèneront à prendre des risques.
Si un manager a parfois la possibilité de choisir ses collaborateurs, cette situation ne se présente pas toujours. Le cas échéant, il peut tout à fait diriger des personnes qu’il n’a pas choisis, ou encore encadrer des collaborateurs plus expérimentés ou plus âgés que lui, le plongeant dans des situations intimidantes. Dans ces moments, il est bien de garder à l’esprit que les défis rencontrés font partie intégrante de son statut de manager, et que ses échecs sont des points d’étape avant la réussite.
L’un des grands privilèges du rôle de manager est l’autonomie décisionnelle. Son pouvoir de décision est augmenté (attention tout de même au syndrome de l’hubris ou la soif du pouvoir), son avis est davantage pris en considération et il se retrouve plus souvent à avoir le dernier mot. Toutefois, cet avantage l’amène à devoir gérer des situations difficiles, telles que discuter des performances insuffisantes avec un collaborateur ou gérer la fin d'une collaboration. Ces moments peuvent être éprouvants pour lui, mais restent malgré tout inévitables et essentiels pour maintenir l'intégrité et la performance de l'équipe.
En abordant le sujet du management, un élément nous interpelle : la définition de la réussite professionnelle. Est-il possible de se construire une belle carrière et de s'épanouir dans la sphère professionnelle sans nécessairement devenir manager ? Et bien, tout dépend de ses motivations profondes et de sa propre perception du succès. Mais dans les faits, oui. On peut réussir sans être manager. Les voies vers l'épanouissement professionnel sont multiples.
Si vous souhaitez renforcer votre expertise technique, vous orientez dans la recherche ou que les responsabilités managériales ne correspondent pas à vos aspirations professionnelles, il est conseillé de le communiquer à votre hiérarchie. Il se peut qu'avec le temps, on vous propose un poste de management. Accepter un tel rôle sans réel enthousiasme pourrait être préjudiciable non seulement pour vous, mais aussi pour votre équipe et votre entreprise. En étant transparent avec votre direction, vous préserverez votre liberté de choix tout en permettant à votre entreprise de vous reconnaître comme un expert, un collaborateur dont le savoir-faire spécifique est hautement valorisé et sur lequel elle peut compter.
Certains professionnels vont pleinement s’épanouir dans des missions autres que le management et ainsi trouver leur voie dans l'expertise technique. C’est alors le renforcement de leur compétence et la reconnaissance de leur savoir-faire qui leur procurera une forte satisfaction et une grande estime d’eux-mêmes.
Les passionnés de recherche et d'innovation peuvent aussi s’épanouir, notamment dans des rôles dédiés à la recherche et au développement, où la découverte et la création de nouveautés sont au cœur de leurs activités.
D'autres vont préférer des postes de chefs de projet. Bien qu'ils ne gèrent pas directement des équipes, ils aiment pouvoir piloter des projets, superviser les progrès, et motiver les collaborateurs pour atteindre les objectifs définis.
Enfin, il y a ceux qui choisissent de devenir consultants et qui trouvent un plaisir particulier à démêler et à résoudre des problèmes complexes pour leurs clients.
Le management n'est donc pas une condition sine qua non de la réussite professionnelle. D'autres chemins alternatifs, tout aussi gratifiants existent, et sont tout aussi valorisants.
Une interrogation subsiste : l'absence de responsabilités managériales limite-t-elle un individu ? Dans les entreprises en développement, l'élargissement des équipes et le recrutement de nouveaux talents nécessitent souvent un besoin de nouveaux postes en management. Ces derniers sont nécessaires pour structurer l'organisation et assurer une distribution efficace des tâches, permettant de se concentrer sur des projets stratégiques à forte valeur ajoutée.
Opter pour rester spécialiste dans son domaine peut être très satisfaisant sur le plan professionnel, mais peut à terme limiter la portée de l’action individuelle. À l'inverse, une personne disposant d’une expertise moindre mais qui serait à la tête d’une équipe de dix personnes pourrait, grâce à cette synergie, dépasser l’impact d’un expert isolé. Si le choix entre une carrière managériale ou une carrière davantage technique est personnel, l'absence de responsabilités managériales peut malgré tout mener à un plafond professionnel.
Il est alors essentiel que chacun détermine ses priorités : recherche-t-on à maximiser son expertise individuelle ou à étendre son influence ? Aucun choix n'est supérieur, tout dépend de ses motivations personnelles. Par exemple, un athlète de haut niveau pourrait se concentrer sur le perfectionnement d'une compétence spécifique, tandis qu'un coach sportif pourrait choisir d'élargir son impact en guidant plusieurs athlètes. Il n’y a pas de métier meilleur qu’un autre.
La décision de manager ou non doit être prise en considération en fonction des opportunités et défis de chaque poste, mais aussi de ses propres objectifs personnels et professionnels.
L'aspiration à devenir manager, avant considérée comme l’unique vecteur de réussite professionnelle, continue d'évoluer. Le rôle de manager reste en grande partie perçu comme un réel tremplin dans une carrière professionnelle. Le devenir, c’est obtenir une plus grande responsabilité et se retrouver confronté à de nouveaux challenges. Pour ceux qui aiment les défis, prendre de la hauteur sur l’entreprise, aspirent à des postes de direction, sont passionnés par l’évolution des individus, la transmission de savoir et le développement des relations humaines, le management peut leur correspondre. Mais parallèlement, d’autres voies de réussite enrichissent le paysage du travail. Des fonctions spécialisées dans l'expertise technique, la recherche, la gestion de projets, ou le conseil par exemple offrent des alternatives enrichissantes et gratifiantes, au management. Chacun, selon ses motivations profondes, ses convictions, ses valeurs, sa capacité à s’impliquer dans un nouveau rôle, ses souhaits pour l’avenir, sa définition même de la réussite, s’orientera vers le chemin qui semblera lui apporter le plus, tant professionnellement que personnellement. Il importe toutefois de garder en tête la force de frappe, potentiellement élargie chez une personne qui manage.
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