La prise de risques : quand faut-il la fuir ou la chercher ?

Conduite du Changement

Réflexion

03 Novembre 2022

Crédit photo : Yiwen

Pédaler à vélo, sauter depuis le plongeoir, monter à cheval, descendre une pente de ski en luge, apprendre une nouvelle langue, changer de camarades de classe … lors de l’enfance, nous choisissons plus régulièrement de prendre des risques, acceptons plus volontiers de nous confronter à des situations non-anticipées et sommes peu effrayés par les imprévus. Pour les plus jeunes, le risque est une façon de s’affirmer, de gagner en liberté, d’éliminer la monotonie, voire de grandir. Dès que nous gagnons en maturité et en âge, nous prêtons plus attention aux jugements des autres, réfléchissons aux conséquences de nos actions, sommes moins enclin à prendre des risques et sommes prêts à refuser des événements qui présenteraient un impact négatif.

Et si, sans nous en apercevoir, nous laissions filer des opportunités par notre absence de prise de risques ou notre peur de l’inconnu ? Entre les risques que l’on nous conseille et ceux que l’on nous déconseille, nous pouvons vite nous questionner sur la nature de chacun. Quels risques sont “bons à prendre” et lesquels ne le sont pas ? Comment réduire les probabilités d’échec et augmenter ses chances de réussir lorsqu’on fait face à un risque ? Faut-il fuir la prise de risques ou la chercher ? La question semble délicate et mérite que l’on se penche sur le sujet.

Quel regard porte-t-on sur le risque ?

Un danger

Un risque désigne la probabilité qu’un événement ne se déroule pas comme prévu et donc que le résultat escompté amène un dommage ou un danger. Du latin “risco”, il désigne “ce qui coupe”, autrement dit ce qui blesse. Ainsi, dans sa définition même et ses origines latines, une signification négative est présente, d’où le sentiment de réticence que nous développons de prime abord face à ce que nous considérons comme étant un risque.

Un pas vers la liberté

À l’âge adulte, nous semblons moins libres de nos actions et réduisons nos prises de risque. Par exemple, lorsque nous savons que plusieurs personnes comptent sur nous et que nos actions n’ont pas seulement des conséquences sur nous, mais sur des personnes que nous aimons, nous agissons en conscience et préférons éviter le “risque”.

Une peur de l’inconnu

Lorsque nous manquons d’informations sur un sujet, n’avons pas de souvenirs passés faisant écho à ce que nous rencontrons actuellement et ne possédons aucune preuve de la finalité positive, nous traitons la situation comme une menace et préférons naturellement ne pas nous y confronter. La nouveauté et les possibles changements radicaux vont avoir tendance à nous effrayer et nous détourner de la prise de risques.

Les différentes valeurs des risques

En regardant de plus près, nous constatons que chaque risque détient une valeur différente et que c’est une action plus qu’une autre qu’il conviendra d’appliquer selon leur nature.

Les risques connus à l’avance vS les risques imprévisibles

Nous pouvons tout d’abord dissocier :

  • les risques ayant été identifiés à l’avance
  • et les risques relevant de l’imprévu.

Dans la première catégorie, ce sont des situations que nous avons envisagées, qui ne nous prennent point par surprise mais qui restent malgré tout inconfortables pour nous. Nous avons conscience du danger et ne sommes pas dans une situation de déni.

Dans la deuxième catégorie, ce sont des situations auxquelles nous n’avons pas pensé : les imprévus. Il est préférable de les anticiper pour les classer dans la catégorie “risques identifiés” et ainsi être en mesure d’agir en prévention et non dans la précipitation.

Les différents degré de criticité d’un risque

Pour affiner la nature de chaque risque, il est possible de vous appuyer sur la matrice des risques. Celle-ci classe les situations selon deux axes : la probabilité que l’événement se produise en abscisse et la gravité de l’événement en ordonnées. En fonction de la jonction de ces deux axes pour une situation donnée, le risque aura l’un des 4 degrés de criticité suivants : “négligeable”, “non négligeable”, “critique” et “inacceptable”. Suite à cela, c’est une action plus qu’une autre qu’il conviendra d’appliquer.

Imaginons que vous conviez 20 de vos amis chez vous pour fêter votre anniversaire mi-octobre. 18 d’entre eux ont confirmé leur présence. Le risque que la moitié de vos invités ne puissent pas venir en raison de la pluie est “négligeable”. En effet, comme votre événement se déroule chez vous, donc à l’abri de tout mauvais temps et que la majorité d’entre eux résident à Paris, ils pourront en principe, facilement se rendre jusqu’à votre domicile via les transports, même en cas d’intempéries. L’action à mettre en place est alors la mise en place d’une veille. Renseignez-vous auprès de vos invités et demandez-leur de vous confirmer à nouveau leur présence quelques jours avant l’événement.

Admettons à présent que la pluie a plus d’impact sur le bon déroulement de votre événement et que vous désiriez organiser dans votre village, une course à pied de 10km pour le mois d’avril. Le risque qu’il pleuve est “non-négligeable”. En effet, il est possible que la pluie soit au rendez-vous (cf axe de la probabilité) et que la gravité de la situation soit significative car l’événement se déroule en plein-air. Planifier une mesure ultérieure sera nécessaire. Appliqué à cet exemple-ci de course à pied, il conviendra que vous, organisateur, listiez les possibles actions à entreprendre en cas de pluie telles que commander des vêtements appropriés pour le personnel, revoir le parcours si certains passages présentent un danger en cas de forte pluie, etc.

Envisageons désormais que vous désiriez emmener vos enfants faire un tour en montgolfière en novembre prochain. Or, vous avez lu qu’en cas de vent au sol de plus de 15km/h, de pluie et de mauvaise visibilité, vous ne pourrez point voler. Les conditions étant si précises et le mauvais temps souvent au rendez-vous en automne, feront que le risque d’accident en cas de vol en cette période, sera “critique” voire “inacceptable”. En conséquence, il est préférable de réfléchir d’ores et déjà à une action correctrice immédiate. Ne pouvant pas agir face au temps, vous pourriez prévoir un plan B pour occuper vos enfants et leur faire plaisir. Ainsi, vous pourriez considérer le vol en montgolfière comme une option et privilégier une activité qui ne repose pas sur le temps. Pourquoi ne pas prévoir une visite au château de Fontainebleau en novembre ?

Les risques qui dépendent du contexte vS des individus

Les risques créés par les mauvais temps, dont nous parlions précédemment, rentrent dans la catégorie des risques externes liés à l’environnement. À cela, nous pouvons y inclure tous les risques naturels (avalanche, incendie, cyclone, etc.). Certains peuvent être prévisibles, mais leur prévision est limitée et ne peut se deviner longtemps en avance.

Nous pouvons également ajouter tous les risques émanant des personnes extérieures à votre organisation. Si vous pilotez la gestion d’une course à pied de 10km et que la fabrication des T-shirts de courses repose exclusivement sur un seul fournisseur, la risque que celui-ci vous annonce tardivement ne plus pouvoir assurer la commande est “critique” (car la probabilité est possible et la gravité grave). Le mieux est d’anticiper en avance ce risque “critique” et de réaliser les actions nécessaires : recherche active de prestataires, échanges avec ces derniers, sélection de prestataires “backups”. De cette façon, si votre fournisseur initial de T-shirts se désengage, vous pourrez réagir rapidement.

Gardons le même exemple de la gestion d’une course à pied et imaginons cette fois un risque émanant de personnes internes à votre organisation : des bénévoles que vous avez recrutés pour l’événement vous annoncent être malades ou positifs à la Covid-19. Sans mesure prise, vous serez en sous-effectif et vous retrouverez en difficulté pour offrir une expérience qualitative aux coureurs.

Les avantages de la prise de risques

Casser la routine

Vous avez l’impression que votre organisation de travail actuelle n’est pas efficiente et qu’elle vaudrait la peine d’être retravaillée. En examinant vos méthodes de travail, vous vous dites que vous pourriez optimiser l’existant, augmenter votre niveau d’attention et stimuler davantage votre motivation. D’un autre côté, vous savez que la modification de votre routine pourrait vous pénaliser. Même si votre incertitude sur un résultat fructueux est présente, votre souhait de “casser la routine” peut s’avérer plus fort et finalement vous encourager à tenter l’expérience. L’envie de changer ses habitudes peut ainsi être un moteur dans une prise de risque.

Se dépasser

Sur un coup de tête, vous décidez de vous inscrire à un semi-marathon alors que vous n’êtes pas un grand sportif et n’avez jamais couru sur de longues distances. Deux façons de réagir : 1 - Vous percevez cette course comme un risque de vous blesser, une contrainte pour votre vie sociale. 2 - Vous adoptez une vision optimiste et considérez cet événement sportif comme un défi personnel que vous vous lancez, une occasion de vous surprendre et de vous prouver que vous en êtes capable : “Je ne pensais pas être capable d’arriver au bout de ce semi-marathon mais grâce à mes entraînements assidus, à mon auto-discipline et à l’encouragement de mes proches, j’ai réussi.” L’angle de vue adopté vous fera percevoir (ou non) les risques.

Être récompensé

Vous souvenez-vous de vos chutes à vélo lorsque vous avez commencé à retirer les roues arrière de votre bicyclette ? C’est parce que vous êtes tombé plusieurs fois, êtes resté en selle de plus en plus longtemps, avez modifié votre approche que vous avez finalement trouvé l’équilibre. Malgré vos blessures, vous avez le plus souvent continué car vous saviez que vos échecs répétés vous permettraient de bénéficier d’une certaine liberté : celle de savoir faire du vélo. Sans prise de risque, vous n’auriez jamais su pédaler sans petites roues. Si à court terme, il y a un risque de tomber et donc de se blesser, l’apprentissage du vélo à deux-roues peut à long terme offrir de beaux cadeaux comme la joie de se déplacer où l’on veut !

Se lancer et aboutir à de beaux succès

Les entrepreneurs qui investissent dans leur projet, qui acceptent de ne pas se rémunérer pendant quelque temps, vont prendre au départ des risques car c’est la seule façon pour eux de démarrer leur projet. En amont, ils vont se consacrer à leur “business plan” et réfléchir à comment être rentable le plus rapidement possible. Toutefois, malgré leur anticipation (qui est nécessaire d’ailleurs), l’incertitude du résultat sera toujours présente. Leurs produits ou services, n’ayant pas encore rencontré leurs consommateurs, ni même été confrontés aux concurrents (directs ou indirects) pourront aussi bien plaire (c’est tout le mal qu’on leur souhaite) que déplaire. Seule l’action de se lancer, qui comporte un risque (financier pour les investisseurs et fondateurs) sera nécessaire. Les fondateurs de Uber n’auraient pas connu le succès escompté s’ils s’étaient arrêtés à la non-garanti de résultats favorables. Leur façon de repenser le modèle de réservation de taxi était novatrice et jamais testée jusque-là mais ils ont osé malgré tout.

Aider autrui à ne pas reproduire les mêmes erreurs

“Apprends des erreurs des autres. Tu ne peux vivre assez longtemps pour toutes les faire toi-même” expliquait Eleanor Roosevelt, épouse de Franklin Roosevelt et militante américaine. Les erreurs réalisées par autrui, lorsqu’elles sont identifiées et prises en compte, peuvent servir de contre-modèle. Imaginons que votre oncle, avec lequel vous êtes proche, a eu de graves séquelles suite à la descente d’un hors-piste à ski. Il se peut que son histoire vous ait tellement marqué et que la peur d’avoir, comme lui, des blessures à vie ait été si forte que avez toujours été (et êtes toujours) très précautionné lorsque vous faîtes du ski. Peut-être que vos choix auraient été autres si vous n’aviez jamais connu cette histoire ?

Comment prendre des risques mesurés ?

Débuter avec des risques sans conséquence négative

Tina Seelig, enseignante et auteure de plusieurs livres sur la créativité et l’innovation, explique lors d’une conférence Ted réalisée en 2018 (nous vous conseillons d’ailleurs de consulter la vidéo TED) que les « petits risques » permettent de saisir « les vents de la chance ». Enseignante à l’Université de Stanford, elle a pour habitude de faire remplir à ses étudiants un « risquomètre » sur lequel elle les encourage à planifier les « petits risques » qu’ils sont prêts à prendre. Elle les invitent ainsi à réfléchir à des risques tant intellectuels, physiques, financiers, émotionnels, sociaux, éthiques que politiques. Pour illustrer son propos, elle cite alors trois risques sans conséquence négative, pour que chacun puisse provoquer sa chance :

  • S’attaquer à un problème complexe auquel nous nous sommes jamais confronté serait une excellente façon de se stimuler intellectuellement.
  • Échanger avec un voyageur assis à côté de soi dans les transports pourrait donner lieu à une belle rencontre professionnelle ou amicale.
  • Partager son ressenti avec un être qui nous est cher pourrait toucher ce dernier et lui donner envie de partager à son tour ses impressions.

En sortant petit à petit de sa zone de confort, la prise de “risques” sera dédramatisée et la capacité des individus à se confronter à des situations à “risques” sera plus élevée. Vous réalisez des petites avancées sur le quotidien qui vous mèneront progressivement vers l’objectif initial que vous visiez : c’est le principe de la méthode Kaizen.

Récolter un maximum d’informations

Même si la prise de risque comporte des avantages (se dépasser, être récompensé, se lancer, éviter que les autres ne reproduisent ses erreurs), selon leur identification en amont, la gravité et la probabilité (cf la matrice des risques), les “dangers potentiels” ne seront jamais gommés. Le risque 0 étant inexistant, le plus important sera de récolter un maximum d’informations afin de réduire (et non d’éliminer) la probabilité que les événements tournent mal. Des entrepreneurs qui lancent un nouveau produit ou service sur le marché, auront le plus souvent rassemblé un maximum d’informations sur leurs consommateurs cible, réalisé des plans de budget prévisionnels, testé ce qu’ils vendaient auprès d’utilisateurs type, analysé leurs forces et faiblesses, ainsi que ceux de leurs concurrents.

Poser des limites

Prendre un risque mesuré demande de bien se connaître, de savoir à quel moment poser les limites pour se dépasser sans jamais créer de conflits avec autrui. Réaliser un voyage en solitaire en Europe de l’Est vous tente ? Par cette expérience, vous savez que vous sortirez de votre zone de confort, que votre autonomie sera grande mais que cette aventure comportera des risques (techniques, financiers, langagières). Pour appréhender au mieux ce voyage probablement riche en découvertes et en (belles et mauvaises) surprises, vous des limites sera capital. Peut-être pourriez-vous vous fixer un budget hebdomadaire à ne pas dépasser ? refuser les propositions qui détiennent un risque de probabilité et de gravité élevé ?

Etre assertif

Vous pensez mettre en place une initiative qui pourrait être pertinente pour votre équipe de travail mais parce que vous n’osez point exprimer votre point de vue, manquez de confiance en vous et que votre vision a précédemment été qualifiée de trop “risquée”, vous avez opté pour la prudence et le silence. Peut-être avez-vous effectué le bon choix ? À l’inverse, peut-être avez-vous manqué d’assertivité et perdu l’opportunité de tenter une nouvelle expérience qui aurait pu vous apporter beaucoup ? L’assertivité qui repose sur le partage des points de vue, l’échange entre les parties et la prise de décision collective vous permettra de prendre une décision avec plus de confiance.

Suivant le contexte, la prise de risque peut aussi bien être volontaire qu’involontaire. Prendre un risque peut tout d’abord émaner d’un choix de notre part ou du moins commencer par une réflexion émergente dans un coin de notre tête. “Puis-je tenter un tel risque ou devrais-je m’en éloigner ?” Dans ce cas-ci, il convient de s’interroger sur ce que ce risque nous apporterait à moyen ou long terme (changement de notre quotidien, dépassement de soi, etc.). Si son impact s’avère riche d’enseignement, peut-être vaut-il la peine d’être tenté ? Quelques actions que nous pourrions mener : débuter par des “petits risques”, collecter un maximum d’informations pour minimiser les incertitudes qui alimentent nos doutes, nous fixer des limites à ne pas franchir, oser être assertif.

Les prises de risque peuvent également se produire parce que les situations nous l’imposent. Soit nous avons anticipé le “danger” ou bien nous le découvrons. Évidemment, il est toujours plus confortable de l’avoir deviné en amont afin de nous y préparer, de réduire le stress de l’urgence et d’agir avec rigueur. Toutefois, même en anticipant, nous pouvons toujours rencontrer des imprévus.

Que nous choisissions le risque que nous prenons, anticipions une situation à “risque” qui pourrait se présenter ou faisions face à un imprévu, il reste essentiel d’identifier la nature du risque en se posant deux questions : Quelle est la probabilité que le risque se réalise ? Quelle serait sa gravité s’il se réalisait ? En évaluant le degré de criticité, nous pourrions mener l’action la plus adaptée : décider de ne pas tenter ce risque, réaliser une veille, planifier une action dans le cas où la situation tournerait mal ou agir immédiatement si l’urgence est de taille.

La fuir ou la chercher, la prise de risque ne dépend pas seulement de son attrait pour l’aventure (bien qu’elle y contribue) mais plus largement du contexte de la situation.

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