Développement personnel
”Vole toujours dans le milieu des airs, et suis attentivement mes conseils, car si tu voles trop bas, l'eau de la mer appesantira tes ailes, et si tu voles trop haut, le soleil les brûlera. Reste entre ces deux limites, et suis-moi”. Vous souvenez-vous de l’origine de ce conseil ? Il provient de la légende d’Icare, personnage emblématique dans la mythologie grecque, connu pour s’être brûlé les ailes parce qu’il s’était rapproché de trop près du soleil. Alors prisonniers d’un labyrinthe avec son père Dédale, ces derniers confectionnèrent des ailes à l’aide de plumes tombées au sol. Pour les fixer sur eux, ils utilisèrent de la cire, leur permettant ainsi de prendre de la hauteur et de s’enfuir du labyrinthe. Avant et durant le vol, Dédale avertit à plusieurs reprises son fils Icare pour qu’il ne se rapproche pas de si près de cet astre. Mais ébloui par la beauté du paysage et désirant voler de plus en plus haut, Icare ne résista pas à la chaleur de cette étoile. Ses ailes fondirent progressivement jusqu’à entraîner sa chute dans la mer, que l’on nomme aujourd’hui mer icarienne. Cet exemple est une illustration parfaite du syndrome d’hubris. Pris par son désir de liberté, d’altitude, et son envie d’être l’égal des oiseaux, Icare n’entendit pas les avertissements de son père et perdit le sens des réalités. Les symptômes provoqués par le syndrome d’hubris se retrouvent dans bien des situations et concernent principalement les personnes avec une soif de pouvoir conséquente. Les effets sur elles et leur entourage sont néfastes. Il est ainsi nécessaire de reconnaître les personnes victimes de ce syndrome, de prévenir son arrivée et surtout de s’en prémunir pour agir à temps.
L’hubris, que l’on pourrait considérer comme une pathologie, a été identifié il y a plusieurs millénaires à l’époque des Grecs anciens. Ils la reconnaissaient pour qualifier les individus faisant preuve d’orgueil et de démesure. La posséder était alors perçu comme un crime qu’il fallait punir. Dans la mythologie grecque, ceux faisant preuve d’hubris, recevaient ainsi un châtiment céleste imposé par Némésis, déesse de la vengeance.
Ce syndrome se caractérise par un sentiment de toute-puissance, une démesure inégalée, une envie de se rapprocher du pouvoir, une sur-estimation de ses compétences réelles, une non prise en compte des conséquences de ses actes et de ses décisions. En fait, l’hubris laisse transparaître un comportement narcissique, une hyperactivité et une obsession pour son image et son apparence. Il s’avère nocif, tant pour celui qui en est le détenteur que pour ceux qui l’entourent. En effet, il est dangereux pour celui qui y est soumis car ce dernier détient une vision erronée de lui-même et perd le sens des réalités. Pour les personnes qui le côtoient, elles peuvent ressentir un malaise, une faible estime d’elles-mêmes, un sentiment d’infériorité et ne pas oser exprimer leurs avis. Il est possible que vous ayez croisé des personnes portant ce syndrome d’hubris. Remémorez-vous comment vous vous sentiez ? Il est fort possible que vous n’aimiez pas ce genre de situations et désiriez dans votre for intérieur, vous éloigner de ces personnes, prêtes à tout pour maintenir leur statut de “pouvoir” ou l’augmenter encore plus.
La soif du pouvoir, est l’une des composantes des individus sujets à l’hubris. Récemment, David Owen, ancien ministre des Affaires Etrangères britannique, a rassemblé ses recherches et réflexions pour y souligner le lien entre pouvoir et hubris dans son ouvrage paru en 2007 "The Hubris Syndrome: Bush, Blair and the Intoxication of Power". D. Owen y explique alors la spécificité de ce syndrome : il semble essentiellement concerner les personnes disposant d’un statut de pouvoir. On pourra le retrouver chez des dirigeants, des leaders, des hommes et femmes politiques, des personnalités publiques fortunées, ceux possédant un atout rare (ex: une beauté exceptionnelle, une intelligence hors norme, une compétence niche, une capacité physique surprenante, etc).
Est-ce toujours négatif d’être atteint d’hubris ? Ce défaut, ne dissimulerait-il pas des avantages ? Si l’on s’appuie sur le quadrant d’Ofman on observera qu’une force se cache derrière chaque faiblesse (et inversement). Cet outil, théorisé en 1992, invite à réfléchir sur soi et à identifier 4 éléments : ses forces, ses faiblesses, ses qualités à développer et les attitudes qui l’insupportent. Appliquer ce quadrant, c’est déterminer :
L’hubris semble correspondre à la partie “piège” du quadrant d’Ofman. Ainsi, lorsque l’un de nos proches ou nous-même sommes atteint par ce syndrome, on devrait pouvoir lui associer une qualité fondamentale, un challenge et une allergie. Quelle peut être notre qualité fondamentale, si l’orgueil fait partie de nos pièges ? La fierté, potentiellement. Modérée, elle reste une qualité particulièrement recherchée pour gagner en estime de soi, inspirer autrui et véhiculer des ondes positives. Mais poussée à l’extrême, elle peut conduire vers le développement de l’hubris. Si nous devions maintenant déterminer un challenge et une allergie à partir du piège qui est l’orgueil, nous pourrions envisager l’humilité comme étant l’un de nos challenges et les individus ne laissant point transparaître leurs émotions, comme faisant partie de nos allergies.
Une fois que nous sommes en mesure de reconnaître le syndrome d’hubris chez soi ou chez les personnes que l’on côtoie, il convient d’agir pour éviter les potentielles conséquences néfastes. Dans la sphère professionnelle, les personnes sujettes à l’hubris peuvent commettre des dégâts (ex : stress, peur de s’exprimer, dépression, burn out, démission…). Autant donc agir avant que la tempête ne débute. Nous vous partageons quelques bonnes pratiques :
Cette étape est clé, car c’est le moment où la sélection s’opère. Évidemment, on cherchera à ne recruter que des personnes répondant aux compétences recherchées sur la fiche de poste. En plus du savoir-faire, le savoir-être est tout aussi important à analyser chez les candidats. Les échanges avec ces derniers seront une façon de sonder leur personnalité. Leurs réponses, leurs attitudes, présentent-ils des risques d’orgueil ? Un candidat ne pose aucune question sur l’entreprise et ne parle que de son parcours ? C’est un signal faible. Un candidat veut avoir le dernier mot et semble peu apprécier la contradiction ? C’est un signal faible. Un candidat vous coupe régulièrement la parole ? Ceci est un signal faible. Un candidat semble mépriser certaines fonctions ? C’est un signal faible.
Une autre façon de se prémunir de l’hubris, c’est d’encourager la diversité dans tous les pôles de l’entreprise et en particulier au sein des directions, responsables des décisions finales. Grâce à une équipe constituée de différents corps de métiers, de collaborateurs senior ou junior, de personnes issues de différents environnements sociaux, et d’un ratio hommes/femmes à peu près équivalent, les prises de décision seront davantage équilibrées, et les idées créatives seront plus importantes. Il importe ainsi de régulièrement favoriser le développement de travaux collectifs pour que chacun se rencontre, apprenne par les autres, développe des idées qu’il n’aurait pas eues seul et en ressorte grandi.
Tous les membres de l’entreprise, sont-ils inclus dans les décisions de votre entreprise ? Et si vous trouviez des astuces pour faire participer le plus de personnes possibles dans les prises de décisions ? Au-delà d’inclure le plus de monde dans les processus de décision, vous pourriez également partager les informations de l’entreprise comme les points de blocage rencontrés, les avancées, les nouveaux projets que vous avez en tête. Vous pourriez ainsi organiser davantage d’échanges informels, partager une newsletter en interne dans laquelle les informations clé seraient inscrites, inviter les collaborateurs à partager leurs ressentis et recommandations via des questionnaires, ouvrir les réunions stratégiques à des collaborateurs jusque-là pas encore conviés, etc. Cette transparence montrera aux équipes que leur entreprise leur fait confiance, ce qui aura, pour effet de les stimuler dans leurs missions et d’augmenter leur implication.
Les personnes sujettes à l’hubris ont l’impression de savoir mieux faire que les autres. Finalement, elles se sentent supérieures aux autres. Elles se mettent à l’écart, car il s’agit pour elles, de la meilleure façon d’avancer plus vite. Le risque étant que des silos se forment et qu’elles s’isolent du reste du groupe. Il est ainsi important de rappeler à tous les collaborateurs d’une même entreprise, à quel point ils sont essentiels à l’équipe et que tous contribuent à la réussite de la société. Ils font partie du même maillon, ils œuvrent pour la même cause, il n’y a pas de raison pour qu’ils se sentent en compétition. C’est sur ce point qu’il faut insister pour qu’un sentiment d’appartenance se développe et soit constamment alimenté. Celui-ci, pour qu’il fonctionne de manière durable, doit se resentir dès l’arrivée d’un nouveau dans l’entreprise, par le partage des habitudes et valeurs de la société, par l’organisation de moments informels (petits-déjeuners, déjeuners de rencontre…), par un accompagnement…
Et même après ses premiers jours/semaines, un collaborateur doit encore et toujours se sentir appartenir à son entreprise, au risque si non de s’éloigner des autres, de s’isoler et éventuellement de développer ce syndrome d’hubris. Il faut ainsi penser à le tenir informé des actualités de l’entreprise, à l’inviter dans les prises de décisions, à le convier à des activités collectives (séminaires, team building, séances de sport, déjeuners d’équipe …), à favoriser le travail collectif, à le soutenir dans ses projets en cours, à valoriser ses prises d’initiatives, à le féliciter lorsqu’il vient d’effectuer une action avec de la valeur (un “merci” sera toujours bien accueilli), à l’écouter (vraiment), à le récompenser pour son investissement, à lui proposer des formations lui permettant de monter en compétences, à lui offrir des évolutions de poste. En somme, il s’agit de donner chaque jour du sens à tous ses collaborateurs.
Initialement identifiée par les Grecs Anciens, être soumis à l’hubris signifiait être responsable d’un crime et se voir imposé un châtiment céleste. L’hubris, dont les composantes sont l’orgueil, la démesure, la sur-estimation de ses capacités, aveugle celui qui en est le détenteur. Le plus souvent, on le reconnaît, car il possède un avantage par rapport aux autres (d’un point de vue hiérarchique, intellectuel, physique, démographique, etc.). Dans l’exemple de la chute d’Icare, celui-ci, avait pour avantage de voler, d’être physiquement au-dessus des autres, d’être l’humain s’étant le plus rapproché du soleil. Sa vision du monde, éloignée de la réalité, fait de quiconque soumis à l’hubris, un danger pour lui-même, mais aussi pour les autres qui peuvent se sentir inférieurs, angoissés, parfois apeurés à l’idée de s’exprimer. L’hubris, cache pourtant une qualité fondamentale : la fierté. Quand elle n’est pas poussée à l’extrême, elle apporte bien des avantages à celui qui la détient, puisqu’il a une bonne estime de lui et peut même inspirer d’autres dans leur développement. Mais lorsqu’elle est excessive, cette qualité et les bienfaits qu’elle produit s’estompent. Pour les individus soumis à l’hubris, leur challenge (si l’on s’appuie sur la théorie du Quadrant d’Offman), autrement dit la qualité ressource qu’ils devraient développer pour faire du mal ni à eux-mêmes, ni à autrui, est l’humilité.
En entreprise, ce symptôme peut entraîner des dégâts. Il est ainsi nécessaire de l’identifier au plus vite chez les candidats pour ne recruter que ceux dont la personnalité et les valeurs coïncident avec la culture d’entreprise. Les échanges directs avec les candidats permettront de détecter les signaux faibles et de mettre fin au processus de recrutement avec certains. D’autres actions auront pour effet de prémunir le développement de ce symptôme, redouté. Les équipes composées de collaborateurs, au profil tous différent, favoriseront l’émergence d’idées innovantes. La transparence au sein de la société, sera également capitale. Celle-ci pourra s’opérer par le partage des informations concernant l’entreprise (quelles sont les actualités, les projets à venir, les freins rencontrés), l’organisation de moments collectifs et l’inclusion de davantage de collaborateurs dans les instants stratégiques. Pourquoi seuls les membres du Codir ou du Comex, donneraient-ils leur avis ? L’opinion des autres collaborateurs, ne serait-elle pas également pertinente ? Une autre façon d’éviter le développement de l’hubris chez ses troupes : tout faire pour qu’un sentiment d’appartenance soit créé dès l’intégration des nouveaux, et qu’il soit maintenu tout au long de leur investissement dans l’entreprise.
Si malgré ces efforts, vous observez des collaborateurs révélant ce symptôme, essayez d’en parler à la personne concernée, de lui faire prendre conscience qu’elle risquerait de se brûler les ailes à ce rythme. Mais si l’aveuglement est très fort et que la personne reste dans une phase de déni, protégez les personnes de son cercle professionnel et veillez à leur accorder la place qu’ils méritent.
Nos autres articles
CoS • 4 mars 2024
Dans la peau d’un Chief of Staff (CoS) : rôle, missions, compétences ?
Le Chief of Staff (CoS) se révèle être un pilier pour les dirigeants d'entreprise, combinant la gestion de projets stratégiques avec des compétences interpersonnelles. Découvrez BeCoS, un programme Seven qui accompagne les CoS ambitieux désireux d'accélérer leur carrière.
Interview
Conduite du Changement • 08 Septembre 2021
Buffalo Grill s’adapte aux changements induits par la crise
Période d’inactivité, 100% emporter pour les restaurants, digitalisation des services, … les situations de nouveautés sont nombreuses depuis la crise sanitaire et le besoin de se faire accompagner sur la maîtrise du changement est devenu une nécessité.
Cas Pratique
Communication • 3 avril 2024
Appliquer la méthode DESC au quotidien pour des relations harmonieuses
Adoptez la méthode DESC pour transformer vos désaccords en dialogues constructifs et renforcer vos relations personnelles et professionnelles.
Réflexion